Marc Lapierre
Mon histoire
Home
Rapport très attendu...
A propos des victimes d'actes criminels...
Mon histoire
Trois fois victimes
ARTICLES de JOURNAUX
LA SUITE DES ÉVÉNEMENTS 2003
Photos
Centres d'aide
Liens favoris
Mes émotions au fil du temps!
English page1
English page2

le livre électronique

Prélude au week-end

 

L'histoire commença le soir du 11 juillet 1980 à Montréal. C'était une année particulière en ce qu'elle allait changer le cours de ma vie pour toujours. J'étais âgé de 22 ans et je commençais à la Banque Canadienne Nationale. J'avais débuté ma carrière bancaire à l'âge de 18 ans en 1977 gagnant ma place au sein de l'organisation grâce à une entrevue au bureau du personnel au siège social de la Banque elle-même. De par mes qualités au niveau social, j'avais obtenu un poste de commis duquel, je devais par la suite, gravir les échelons de façon assez exceptionnelle passant du poste de commis à l'épargne pour obtenir le poste de comptable de succursale en moins de quatre ans. Pendant cette évolution, je fut  également  affecté à la formation du personnel en succursale avec beaucoup de succès d'ailleurs.

 

Ce 11 juillet fut extrêmement  déterminant pour ce que fut le reste de mes jours et que dire de mes nuits par la suite et ce, jusqu'à aujourd'hui.

 

Je venais de quitter le domicile de mes parents vers 20h00 et je me dirigeais vers Ville d'Anjou où habitaient les parents de ma petite amie de l'époque. Je devais récupérer les effets personnels de Liette car nous avions projeté de nous rendre au parc du Mont-Tremblant pour y faire du camping pour la fin de semaine. Je quittais donc le domicile de Liette vers 22h00 du soir ce vendredi, pour me diriger à l'hôpital Notre-Dame de Montréal. Liette y avait un emploi temporaire pour la période estivale. Elle était étudiante au deuxième cycle en mathématique à l'Université de Montréal. Elle devait terminer son quart de travail vers 23h00.

 

J'arrivais donc au lieu de rendez-vous vers 22h40. Je conduisais une voiture de marque Camaro Z28 1978 de couleur rouge. J'étais stationné devant l'Hôpital Notre-Dame de Montréal à l'embarcadère prévu du côté sud de la rue Sherbrooke.

 

J'étais assis dans ma voiture, je jouais de la guitare et je ne pensais à rien d'autre si ce n'est qu'à me retrouver seul avec mon amie pour une fin de semaine au bord de la rivière avec notre petite tente comme refuge, loin des bruits de la ville et tout près de nos rêves communs, nos ambitions. J'avais pour habitude de tout planifier afin de profiter de ces moments de grande quiétude près de la nature. J'étais comme tout le monde de mon âge pour qui la connaissance de la société et l'expérience dans la vie étaient encore bien limités. Ma voiture était toujours  rutilante. Je ne me doutais pas que dans le monde, il y avait des méchants comme je devais en rencontrer par la suite et ce, dans toutes les couches de la société.

 

Vers 22h55, la portière du côté passager s'ouvre et accroupis dans l'ouverture, il y a un homme qui pointe un revolver en ma direction. Du coup, une grande chaleur m'envahie partant des pieds et montant à ma tête à la vitesse de la lumière et redescendant aussi rapidement tout en laissant un grand froid dans tout mon corps.

 

Il s'agissait d'un homme vêtu d'un jeans, un veston de cuir brun et une chemise avec des motifs de couleurs foncés. Il avait des cheveux bouclés de couleur brun foncé (une coupe afro) et la peau de son visage était "magannée". Il avait environ 10 ans de plus que moi et je le voyais comme un vieux. En fait il avait 32 ans. L'ossature de son visage montrait des traits particuliers ainsi que des  joues creuses et une mauvaise peau.

 

Il se glissa sur le siège du passager et referma la portière.

 

 

Route vers l'enfer

 

 

 

C'était le début de ma rencontre avec le diable en personne mais je ne le réalisais pas encore. Je ne pouvais pas concevoir la nouvelle réalité qui me frappait en plein visage. J'essayais de rationaliser sans pouvoir y parvenir avec le revolver dans les côtes alors que l'individu m'ordonnait de quitter les lieux au plus vite étant lui-même poursuivit selon ses dires du moment. Au comble de la rupture dû à l'énervement, il me demanda de le conduire sur la rive-sud et afin d'y parvenir, je devais emprunter le pont Jacques Cartier.

 

J'étais perdu dans la ville. Je ne pouvais contenir mon angoisse et retrouver le contrôle de mes émotions et le contrôle de moi-même. Il commença alors à devenir plus spécifique dans ses demandes m'ordonnant de tourner tantôt à gauche, tantôt à droite me simplifiant la vie d'une certaine façon dans le moment devenu trop intense au présent. Je fis une première tentative pour me rassurer en lui proposant de le conduire sur la rive-sud, mais que pour me faciliter la tâche, il devait cesser de me menacer avec son arme. Dans mon for intérieur, j'essayais de me rassurer en croyant qu'après l'avoir déposé sur la rive-sud je pourrais revenir prendre Liette à l'hôpital et poursuivre mes plans pour la fin de semaine comme prévu initialement.

 

Je me voyais déjà avec mon amie en train de lui raconter cette histoire invraisemblable qui m'était arrivé ce soir-là. Ce fut la seule façon dont je réussis à reprendre le contrôle de moi-même afin d'assurer une conduite automobile plus ou moins sécuritaire étant donné mon degré d'énervement devenu insupportable.

 

Je me souviens que je regardais la montre de bord du véhicule et au fur et à mesure que le temps passait, je voyais mes chances de revenir à temps, s'évanouir. Il était 23h15 lorsque je réalisai que l'homme n'allait pas me laisser de ci-tôt...

 

Pendant ce temps de grande confusion émotive, le type commença à me poser des questions sur moi et la raison de ma présence devant l'hôpital. Il me faisait parler et ne me doutant pas de qui il pouvait bien être, je répondais avec toute l'innocence de mes 22 ans.

 

-Que faisais-tu devant l'hôpital?

-J'attendais mon amie qui finit de travailler vers 23h00

-Où alliez-vous?

-Nous allons camper au Mont Tremblant pour la fin de semaine

-Que fais-tu dans la vie?

-Je travaille pour la Banque Canadienne Nationale

-Qu'as-tu apporté avec toi pour le camping?

-Et je lui fis la description de ce que j'avais dans le coffre de la voiture...

-Et ainsi de suite, toujours me questionnant...

 

La première chose qu'il m'a dite sur lui et sur ce qu'il faisait : « Mon frère est dans la merde et ce n'est pas la première fois que je dois m'en mêler. Je suis poursuivi et je dois aller sur la rive-sud le plus vite possible. Il se met toujours dans la merde à cause de le drogue, je dois m'occuper de lui et le sortir du trouble »

 

À première vue, il semblait préoccupé par son frère et il était très nerveux.

 

Après avoir ramassé assez d'informations sur moi, voici comment s'est soudainement transformé son discours et ses intentions à mon égard. " Je m'appelle Luc. Je travaille pour la GRC et je suis en vacance. Quand je suis en vacance, je fais des enlèvements de personnes qui travaillent dans les banques, je les gardes toute la fin de semaine dans une maison que j'ai louée et le lundi matin je fais la demande de rançon à la banque.

D'habitude, j'enlève le couple alors ton amie est dans une autre voiture avec mon complice et je dois vérifier que tout a marché de ce côté"

Fait à noter que nous étions à une époque où le téléphone cellulaire n'existait pas encore alors je le voyais qui semblait chercher un signe particulier autour de lui au dehors.

 

Dans les faits, je sais aujourd'hui qu'il cherchait ses origines (sa famille peut-être) puisqu'il était natif de Longueuil.

 

Pour une bonne partie des heures qui ont suivi, je lui demandais sans arrêt où était la voiture avec mon amie en otage, devant ou derrière nous et pour chaque fois que je posais la question, il me répondait de me fermer la gueule.

 

Après environ 45 à 60 minutes de torture, nous étions rendu dans la zone industrielle de Longueuil. Il m'ordonna alors de sortir de la voiture me faisant passer devant lui alors que ce dernier voulait prendre le volant pour la suite du voyage.

 

Pointant ainsi l'arme sur moi, pendant que je passais de l'autre côté du véhicule, il passait de passager à conducteur par l'intérieur. Une fois remonté à bord, je venais de perdre la dernière chose sur laquelle j'avais encore un certain contrôle c'est-à-dire la conduite du véhicule bien que depuis la dernière heure, je n'en contrôlais plus la destination.

 

Il me tenait avec mon amie devenue invisible et je devais rester fort pour le moment où l'on devait se retrouver ensemble afin de la rassurer elle-même.

 

Il me raconta comment il avait loué cette maison dans la région de Sorel et la façon dont il avait accoutumé le voisinage de l'habitation afin de ne pas éveiller de soupçons. Son histoire était bien détaillée, le scénario était digne d'une série télévisée.

 

Après avoir arpenté en long et en large la région de Longueuil sans que je ne puisse me rassurer ou que je puisse détecter les raisons de ce vagabondage des rues du secteurs, il emprunta la vieille route 132 direction Sorel sans préavis.

 

Il conduisait de façon malhabile et dangereuse, me donnant une frousse supplémentaire à chaque virage et à chaque fois que l'on rencontrait le trafic venant du sens opposé.

 

Il avait une vitesse irrégulière et ne faisait pas les changements de vitesses de façon adéquate. En un mot, il ne conduisait pas bien du tout et à deux reprises, j'ai dû moi-même agripper le volant pour éviter un face à face.

 

Un peu plus tard, nous avons croisé les lieux d'un accident où nous avons dû quitter la route pour emprunter l'accotement passant ainsi à quelques pouces d'un agent de la SQ déjà sur les lieux. S'approchant du policier, Luc m'ordonna de ne pas tenter quoi que ce soit pour alerter le policier sans quoi mon amie allait en souffrir. L'agent se tenait sur l'accotement en gravier, lampe de poche à la main et passant à pas de tortue je restai immobile. Je sentais des sueurs froides me couler dans la nuque et constatais que je m'éloignais de la seule chance d'alerter quelqu'un sur cette position intenable.

 

Il me tenait bien corps et âme, j'avais perdu toute emprise sur la réalité, toute emprise sur ma vie. Je ne pouvais même plus respirer, j'étouffais et je ne pouvais même pas ouvrir la fenêtre de la voiture. Je n'arrivais pas à trouver une façon de me sortir de ce guêpier.

 

Je devais trouver la force de rester calme, de reprendre le contrôle de moi- même. Je devais être capable de trouver le moyen de rassurer Liette une fois réunis.

 

J'étais au bord de l'explosion psychologique, mon corps tout entier tremblait, je semblais souffrir de catatonie et rien ne s'offrait à moi pour me rassurer. J'étais comme sur une autre planète, enfoui au plus profond de ma tête sans que je puisse donner un sens à ce qui m'arrivait, enfin autre sens qu'il s'agissait d'une prise d'otage pour une demande rançon et que tôt ou tard, j'allais me retrouver avec Liette enfin. Il m'avait raconté que lui et son complice avaient soigneusement préparés tout les détails et qu'ils m'avaient observé depuis un certain temps. Il me dit m'avoir vu même mettre les objets dans mon véhicule un peu plus tôt dans la journée. Il prit bien soin de donner des détails sur les événements de la journée toujours en se basant sur les informations que je lui avais fournies moi-même en toute innocence. Le tout semblait plausible, je ne pus m'apercevoir de la supercherie. Je m'accrocha donc à l'idée que j'allais vers une maison pour retrouver mon amie et que j'aurais avoir besoin d'être rassurant pour elle.

 

 Il me demanda si j'avais de l'argent. Je lui dis que oui. Il me demanda de lui remettre la somme que je transportais, ce que je fis. Il demanda si je lui avais tout donné me disant que je serais fouillé rendu à destination et que s'il trouvait d'autres argents sur moi, mon amie allait en souffrir. Je lui avais remis la totalité de mes 180.00 dollars et ensuite j'avais glissé mon portefeuille dans ma ceinture. Il contenait mes papiers d'identité et quelques cartes de crédits.

 

Nous étions toujours sur la même route qui passait en bordure du fleuve St- Laurent, l'ancienne route trois mais je n'en savais rien; ce détail me fut révélé beaucoup plus tard.

 

Au bout de cette route, il ne semblait pas y avoir d'issue. L'endroit était sombre et la route se transformait en petit pont de bois qui enjambait une rivière où je crus, un court instant, qu'il allait m'y noyer. C'était la région des îles de Sorel mais je n'en savais rien. Il y avait là quelques vieux bâtiments de ferme et soudainement, Luc fit demi tour. En effet, pour moi il s'était présenté comme « Luc ». Il avait dû apercevoir quelque chose de menaçant, un témoin peut être? Nous reprîmes le chemin en direction opposée cette fois. A partir de ce moment du voyage, je n'arriva plus à reprendre mon sens de l'orientation dans ces routes non éclairées. Je venais de perdre le nord et sans figure de style. Il monta la vitesse à près de 70 milles à l'heure en première vitesse comme s'il s'agissait d'une voiture à transmission automatique, seulement elle était manuelle. J'eus l'impression qu'un piston allait passer au travers du bloc moteur tant le vacarme de l'engin dépassait de loin sa capacité à encaisser une telle commande.

 

 Il n'avait pas l'air à l'aise avec la conduite de mon véhicule, mais je n'étais pas surpris outre mesure car moi-même qui en étais à mon troisième véhicule à transmission manuelle, j'avais eu de la difficulté à m'adapter à ce gros V8 à quatre vitesses au plancher et à la puissance exceptionnelle du moteur.

 

Je savais que nous empruntions le chemin déjà parcouru mais cette fois en direction inverse et cela a eu pour effet d'augmenter la confusion. Désormais la seule question qui m'importait était de savoir si mon amie était devant ou derrière nous et quand nous devions être réuni. Le reste n'existait pas dans mon esprit torturé par le silence et les "Fermes ta gueule". Les silences devenaient de plus en plus longs, j'arrivais tant bien que mal à contrôler le tremblement de mon corps froid portant cette tête qui tentais de résoudre le problème, mais sans succès.

 

Nous nous sommes retrouvés sur un chemin de campagne qui devait être identifié plus tard comme étant le chemin St-Roch à Tracy. Il tourna à gauche sans prévenir et emprunta une espèce d'entrée en terre battue avec deux traces pour les roues de la voiture et au milieu de l'herbe assez longue pour déduire que ce sentier n'était pas beaucoup fréquenté. L'endroit était bordé d'arbres de bonnes tailles et rien d'autre pour indiquer la présence de maison ou de quoi que ce soit de rassurant. Un camion se dirigea vers nous ouvrant le chemin devant lui de ses quatre phares allumés très aveuglant. Luc fit marche arrière avant que le véhicule ne nous aperçoive. Il démontrait une fixation à ce que personne ne nous rencontre et rebroussa chemin à grande vitesse.

 

J'étais au bord de la rupture de tout mes sens, mes émotions au comble de la panique avec toute la confusion possible à imaginer en une fraction de seconde.

 

Il reprit alors la route mais cette fois, il n'allait pas vite et on s'enfonçait davantage dans l'inconnu s'éloignant ainsi toujours plus de toute civilisation. Il n'y avait que des arbres, aucune habitation n'était visible de la route que l'on parcourait, rien n'était rassurant. Bien qu'à l'extérieur je ne démontrais que peu de réactions désormais, à l'intérieur il en était autrement. J'essayais de rationaliser, j'essayais de comprendre. Dans le silence de la nuit, dans le noir de la forêt la seule chose qui me servait de point de repère était le tableau de bord illuminé de ma voiture.                       

 

 

L'horreur

 

 

Nous étions maintenant rendu le 12 juillet aux petites heures du matin. La lune brillait de tous ses feux dans un ciel sans nuage. Soudainement, il tourna à droite quittant ainsi la route pour la dernière fois. Il s'agissait d'une ouverture dans la forêt et entre les arbres s'offrait un tapis de sable qui conduisait à une clairière. C'était comme un espace qui avait été déboisé exprès pour conduire à une habitation dans la forêt. Il fit un nouveau virage de 90 degrés et immobilisa le véhicule. Coupant la clé de contact, il déclara: « Nous sommes arrivés ». Il sortit alors de la voiture laissant la porte ouverte coté chauffeur. Un bref instant je fus seul dans la voiture, regardant autour de moi, je constata que malgré l'espace suffisant pour recevoir au moins une autre voiture, personne d'autre que nous n'était là. Regardant dehors, je ne pouvais voir qu'aucune habitation n'était construite vu l'état sauvage de l'environnement.

 

Il se tenait debout dehors, pointant l'arme sur moi et m'ordonna de sortir de la voiture. Il continua à essayer de me faire croire qu'une maison était là plus loin et que quelqu'un nous y attendait. Je ne croyais plus maintenant ce qu'il me disait et je refusai de sortir. Je lui demandai où se trouvait mon amie et ne répondant pas à la question il m'ordonna à nouveau de sortir de la voiture. Je savais que j'allais me faire tuer. Face à mon refus de quitter ma place il plaça l'arme à feu à sa ceinture et agrippa mes deux bras pour me traîner hors du véhicule. Il me passa par-dessus la console et je tombai  par terre dans l'ouverture de la portière. Il reprit son arme le temps de me relever.

 

Me menaçant à nouveau, il m'ordonna de marcher devant lui vers une colline qui menait à un sentier étroit dans la forêt. Après quelques minutes de marche, je vis devant moi qu'il n'y avait pas d'issue et il y avait des arbres qui me barraient le chemin. C'était la fin de la randonnée. Lui-même constatant que je ne pouvais plus progresser, il me poussa devant lui. Je me retournai face à lui à seulement quelques pieds de son poing qui tenait l'arme pointée sur moi depuis trop longtemps maintenant.

 

Il devait se passer quelque chose mais malgré l'évidence de la situation, je ne voulais pas croire que j'allais me faire tuer comme une bête. Il aperçut alors  quelque chose à ma ceinture et me demanda ce que c'était. Je lui répondis qu'il s'agissait  de mon portefeuille contenant mes cartes de crédit et pièces d'identité. Il déclara alors : « Là où tu t'en vas, tu n'en as pas besoin », et je lui remis l'objet sans discuter.

 

Venant de nulle part, il devint habité d'une sorte de haine avec ses yeux sortis de leurs orbites. Il me cria alors qu'il allait me tirer dans la tête. Je portai mes mains à ma tête en levant les bras et  le temps que celles-ci atteignent mon visage en se croisant, je vis le feu sortir du canon de l'arme et pénétrer mon thorax. La détonation était extrêmement claire et forte, elle marqua la fin de la conversation si on peut appeler ça comme cela.

 

Je gardai pour des années qui suivirent, le son particulier d'une arme à feu que l'on actionne dans une forêt au beau milieu de la nuit. À l'écrire, je l'entend encore.

 

Je devins de guenille, je sentais une grande brûlure qui me transperçait jusque dans le dos. Je m'effondrai aussitôt, mais comme au ralenti, devant l'agresseur. Par la suite il posa le canon de l'arme sur ma tempe et je fis l'expérience d'une forme de temps suspendu.

 

L'horloge venait de s'arrêter. J'eus le temps de réaliser et d'anticiper ma mort imminente qui ne dépendais plus que de la pression sur la détente. J'entendis le mécanisme de l'arme être actionné mais rien d'autre. Encore une fois, le son était clair et tranchant par rapport au silence de la nuit, c'était le bruit d'un ressort et de pièces métalliques en mouvement les une se frottant sur les autres à l'intérieur du revolver. A ma grande stupéfaction, je réalisai que la balle n'était pas sortie, qu'il n'y avait pas eu de détonation comme au premier coup tiré.

 

Des années plus tard, j'appris que le rapport balistique démontrait qu'il y eut une pression de six livres sur la détente mais que la balle s'était enrayée dans l'arme.

 

Je n'étais pas au bout de mes surprises car après avoir réalisé que j'étais toujours en vie, une magie s'opéra en moi. Ma tête fut envahie par des sketchs représentant tout les faits marquants de ma vie précédant cet attentat abominable et envers lequel je ne pouvais plus rien à ce stade ci.

 

Je vis dans ma tête le défilement en couleur et en trois dimensions du film de ma vie. Je me vis tout petit, dans les bras de mon grand père, au souper de mon anniversaire. Je voyais le gâteau sur lequel ma mère avait déposé un vaisseau spatial en guise de décoration. Je revoyais, comme un spectateur, et avec tous les détails, les évènements de toute ma vie. Je pouvais voir, entendre, sentir les odeurs et me rappeler d'absolument tout.

Malgré le contenu impressionnant de tout ces souvenirs, le tout se déroula en une fraction de seconde.

 

Se succédant ainsi les faits qui m'avaient marqués, l'histoire s'arrêta au moment présent, le revolver était encore sur ma tête. Je sentais le canon froid duquel la dernière balle n'était pas sorti par miracle.

 

Je décidai de faire le mort croyant qu'ainsi, Luc me laisserait tranquille. Alors qu'il se releva de sa position accroupie, je remplis mes poumons de tout l'air qu'ils pouvaient contenir. Je me tournai sur le ventre, les deux bras en croix, feignant la mort pour ne pas laisser voir à Luc que j'étais encore en vie. Je retenais mon souffle, il n'y avait qu'un mince filet d'air, imperceptible, que je laissais passé par ma bouche pour rester en vie.

 

Malgré tout, il s'assit sur mes jambes, à la hauteur des genoux; il semblait chercher quelque chose dans ses poches. Un instant plus tard, je reçus un premier coup dans le dos.

 

Je sentis ma peau s'ouvrir par un objet pointu qui s'enfonça dans mon corps à la hauteur de l'omoplate gauche. La course de l'objet se termina par un coup de poing violent et puissant, ce fut comme un coup de masse. La sensation était celle d'un objet de métal froid dans des tissus vivants et chauds, mes tissus. Quand la lame de quatre pouces sortit de ma peau, elle fut suivie d'une cascade de sang très chaud qui coula sur ma peau.

 

Il donna un deuxième coup, cette fois du côté droit sous l'omoplate. Encore une fois, je sentis le métal ouvrir la peau en profondeur et le deuxième coup de poing qui arrêtait la course du couteau dans mes entrailles.

 

Le troisième coup, il revint du côté gauche, sous le premier coup et avec la même intensité, il enfonça l'objet encore une fois.

 

Du côté droit cette fois, il revint frapper un quatrième coup sous le deuxième.

 

Il continua ainsi, allant de gauche à droite en descendant pour un cinquième coup.

 

C'est là, au cinquième coup, que j'ai arrêté de compter. Je retenais toujours mon souffle, et je restai ainsi immobile et conscient pendant qu'il me défonça ainsi avec sa lame et son poing. Il continua à s'acharner de la sorte malgré le fait que je ne donnais aucun signe de vie.

 

Un autre coup, encore un autre, puis un coup supplémentaire, encore une fois, et encore, encore et encore, et pour une dernière fois il termina par un autre coup.

 

Comment pouvait-il être possible de tirer puis de poignarder un être humain de la sorte. Il n'avait pas de mobile. Je ne comprenais pas le pourquoi. Il a certainement dû y prendre plaisir ou quelque chose comme ça. Il n'y a pas eu d'altercation, seulement un acte gratuit sans aucun mobile.

 

Mon corps devenait engourdi et je me sentais de plus en plus me détacher de la scène d'horreur. Je sentais que mon esprit quittait mon corps petit à petit. Ma conscience était intacte alors que mes autres sens s'effaçaient dans la nuit... 

 

 

 

 

Il se releva, pris mes pieds et commença à traîner ma carcasse sur le sentier. Je laissai mes bras traînés au dessus de ma tête, faisant semblant d'être mort. Alors qu'il me glissait ainsi sur le sentier, une douleur intense me transperça de la poitrine là où la balle avait pénétrée. Une branche venait d'atteindre la plaie laissée par la balle et malgré cela je restai impassible. Il jeta mon corps hors du sentier et commença à le couvrir de feuilles et de branches pour le camoufler, pour le cacher. J'étais toujours face contre terre et je n'y voyais rien. J'étais dans ma tête, j'étais un esprit.
 
Quelques instants plus tard, il m'abandonna enfin dans le cercueil de fortune qu'il m'avait fait. J'entendis ses pas s'éloignerdans la forêt, il semblait pressé. Jusqu'à ce que j'entende le son du moteur de ma voiture démarrer, je ne fis aucun mouvement.
 
J'allais mourir comme ça, perdu, seul au milieu de nulle part...
 
 
 
 
 
 

Rapport très attendu...

Enter supporting content here

Toute reproduction est interdite sans mon consentement